La semaine dernière, nous avons eu la chance de vivre une expérience qui nous a bouleversés — un repas d’exception chez Okeya Kyujiro, à Montréal. Offert en cadeau de mariage, ce moment hors du temps nous a plongés au cœur de la gastronomie japonaise la plus raffinée, délicate et poétique.
Depuis plusieurs années, nous aimons cuisiner japonais à la maison. Nous avons préparé des makis, mijoté des ramens et expérimenté mille recettes. Mais ce dîner nous a fait toucher du doigt l’âme de la cuisine japonaise. Un art du détail, du rythme, du respect des ingrédients et de la beauté.
Aujourd’hui, nous voulons partager avec vous cinq plats traditionnels japonais que vous pouvez recréer chez vous. Pour chaque plat, vous trouverez une fiche claire :
- une brève présentation du plat
- une recette simple à suivre
- une astuce pour réussir à tous les coups
On commence par un incontournable réconfortant : les ramens.
Plat 1 – Les ramens
C’est quoi ?
Les ramens sont des nouilles servies dans un bouillon chaud, accompagnées de garnitures comme des œufs mollets marinés, des tranches de porc, des légumes ou des algues. D’origine chinoise, ce plat est devenu au Japon un véritable art, chaque région ayant ses variantes de bouillon : miso, shoyu (soja), tonkotsu (os de porc), etc.
Le secret ? Le bouillon. Tout se joue dans sa profondeur de goût, sa cuisson lente et ses arômes.

Recette : Ramen maison (bouillon shoyu simplifié)
Ingrédients (pour 2 portions)
Pour le bouillon :
- 1 litre d’eau
- 1 cube de bouillon dashi ou 10 g de bonite séchée
- 3 c. à soupe de sauce soja
- 1 c. à soupe de mirin
- 1 gousse d’ail écrasée
- 1 petit morceau de gingembre (2 cm), râpé
- 1 c. à café d’huile de sésame grillé
Pour les nouilles et la garniture :
- 2 portions de nouilles ramen (fraîches ou déshydratées)
- 2 œufs mollets (cuits 6 min, puis marinés dans sauce soja/mirin)
- 4 tranches de porc cuit ou tofu grillé
- Quelques feuilles d’épinards, champignons shiitake, maïs ou algues nori
Étapes
-
Préparer le bouillon :
Dans une casserole, faire chauffer l’eau. Ajouter le dashi, la sauce soja, le mirin, l’ail, le gingembre et l’huile de sésame. Laisser mijoter 10-15 minutes à feu doux. -
Cuire les nouilles :
Dans une autre casserole, faire bouillir de l’eau et cuire les nouilles selon les indications du paquet. Égoutter. -
Préparer les garnitures :
Réchauffer le porc ou le tofu. Équeuter les épinards et émincer les champignons. -
Assembler :
Dans chaque bol, déposer les nouilles. Verser le bouillon chaud par-dessus. Disposer les œufs, les légumes, la viande ou le tofu. Garnir de nori ou de graines de sésame.
💡 Astuce
Pour un bouillon plus riche, tu peux ajouter un peu de pâte miso ou une cuillère de beurre au moment de servir (très populaire à Sapporo !). Et si tu veux gagner du temps, prépare une grande quantité de bouillon et congèle-la en portions.
La version Okeya Kyujiro
Chez Okeya Kyujiro, le ramen devient une œuvre d’art. Exit les œufs, le porc ou les champignons : leur version est d’une sobriété éclatante, portée par un bouillon au goût profond et envoûtant. Un nuage de copeaux d’or flotte à la surface, et une feuille d’algue sculptée selon l’art du Kazarigiri — découpée comme un éventail délicat — ajoute une touche de poésie inattendue. Un plat humble, transcendé par l’esthétique japonaise de la subtilité.

Plat 2 – Tempura
C’est quoi ?
La tempura est l’un des plats les plus emblématiques de la cuisine japonaise. Il s’agit de fruits de mer, de poissons ou de légumes enrobés d’une pâte légère puis frits rapidement pour obtenir une texture croustillante sans être grasse. Le secret ? Une pâte presque glacée, une friture très chaude… et beaucoup de délicatesse.
On la sert souvent avec une sauce tentsuyu ou du sel aromatisé.
Recette : Tempura de légumes, crevettes et morue
Ingrédients (pour 2 personnes)
Pour la pâte à tempura :
- 1 jaune d’œuf
- 200 ml d’eau glacée
- 100 g de farine de blé tamisée
- 1 c. à soupe de fécule de maïs (optionnel, pour plus de croustillant)
Pour la friture :
- Huile végétale neutre (arachide, tournesol ou colza)
Ingrédients à frire :
- 4 crevettes crues décortiquées (garder la queue)
- 4 petits filets de morue ou autre poisson blanc
- Légumes au choix : rondelles d’aubergine, de courgette, patate douce, carotte, brocoli, haricot vert
Sauce tentsuyu (facultatif)
- 100 ml de bouillon dashi
- 1 c. à soupe de sauce soja
- 1 c. à soupe de mirin
- 1 c. à café de sucre
Étapes
-
Préparer les ingrédients :
Éplucher et découper les légumes en bâtonnets ou rondelles fines. Inciser légèrement le dessous des crevettes pour qu’elles restent droites à la cuisson. Tamponner les filets de poisson pour enlever l’excès d’eau. -
Préparer la pâte :
Dans un bol, battre le jaune d’œuf avec l’eau glacée. Ajouter la farine tamisée (et la fécule si utilisée). Mélanger grossièrement avec des baguettes — il doit rester des grumeaux, c’est ce qui rend la tempura légère. -
Faire frire :
Chauffer l’huile à 170-180°C. Tremper chaque ingrédient dans la pâte, puis plonger dans l’huile quelques minutes jusqu’à coloration dorée. Égoutter sur du papier absorbant. -
Préparer la sauce (facultatif) :
Faire chauffer tous les ingrédients quelques minutes à feu doux. Servir tiède.
💡 Astuce
Pour garder l’huile à bonne température, ne faites frire que quelques pièces à la fois. Et placez le bol de pâte dans un autre bol rempli de glaçons pour la garder bien froide.
La version Okeya Kyujiro
Chez Okeya Kyujiro, la tempura se transforme en poésie croustillante. Nous avons dégusté deux merveilles :
- une tempura de poisson-lune, servie avec une sauce aux champignons enoki tout en finesse,
- suivie d’une tempura de queue de homard, fondante, iodée, enveloppée d’une pâte presque invisible.

Plat 3 – Soupe miso à l’anchois
C’est quoi ?
La soupe miso est une soupe traditionnelle japonaise à base de pâte de miso (soja fermenté), généralement diluée dans un bouillon dashi. On y trouve souvent du tofu, des algues wakame, et des oignons verts. Elle est servie au quotidien dans les foyers japonais, aussi bien au petit-déjeuner qu’en accompagnement d’un repas complet.

Dans cette version revisitée, l’anchois remplace le traditionnel bouillon dashi pour un goût plus prononcé et salin, proche de la mer.
Recette : Soupe miso à l’anchois
Ingrédients (pour 2 bols)
Pour le bouillon :
- 4 à 5 anchois séchés (ou en conserve, bien rincés)
- 500 ml d’eau
- 1 morceau de kombu (algue, optionnel mais conseillé)
Autres ingrédients :
- 2 c. à soupe de pâte miso blanche (shiro miso) ou rouge pour un goût plus fort
- 1 œuf (poché ou mollet)
- Quelques tranches fines de daikon (radis blanc)
- Oignons verts ciselés (optionnel)
- Tofu ferme en cubes (optionnel)
Étapes
-
Préparer le bouillon :
Porter l’eau à ébullition avec les anchois (et le kombu si utilisé). Laisser frémir 5 à 7 minutes, puis filtrer pour ne garder que le bouillon. -
Cuire le daikon :
Ajouter les tranches de daikon dans le bouillon et laisser cuire jusqu’à ce qu’elles soient tendres (environ 10 minutes). -
Ajouter la pâte miso :
Retirer du feu. Dissoudre la pâte miso dans une louche de bouillon chaud, puis reverser dans la casserole (ne jamais faire bouillir le miso, cela altère ses propriétés). -
Pocher l’œuf :
Pocher l’œuf dans une autre casserole ou dans la soupe bien chaude, hors du feu. Il peut aussi être cuit mollet à l’avance et déposé au dernier moment. -
Assembler :
Verser dans des bols, ajouter les morceaux de daikon, l’œuf, et quelques oignons verts si désiré.
💡 Astuce
Pour un bouillon d’anchois plus doux, retire les têtes et les entrailles des anchois séchés avant cuisson. Et n’oublie pas : la pâte miso se dilue toujours hors du feu, dans un peu de bouillon chaud.
La version Okeya Kyujiro
À Okeya Kyujiro, la soupe miso devient une expérience contemplative. Dans notre bol :
- un bouillon à l’anchois, salin et profond,
- de fines tranches de daikon fondantes,
- un œuf délicatement poché, comme suspendu dans la chaleur,
- et une pâte miso parfaitement dosée, ni trop forte, ni trop timide.

Une simplicité apparente qui cache un équilibre de saveurs millimétré. Servie en silence, dans une vaisselle chaude, elle a réchauffé le corps et ancré l’instant.
Plat 4 – Tamagoyaki
C’est quoi ?
Le Tamagoyaki (卵焼き) est une omelette japonaise roulée, souvent servie en accompagnement ou dans les bentos. Elle se distingue par sa texture moelleuse et son goût légèrement sucré, résultat d’un mélange subtil d’œufs, de sucre, de sauce soja et de dashi (bouillon japonais).
Cuite en couches successives dans une poêle rectangulaire appelée makiyakinabe, elle est roulée à la main, parfois à la baguette, pour créer une belle forme en spirale.

Recette : Tamagoyaki maison
Ingrédients (pour 2 portions)
- 4 œufs
- 1 c. à soupe de sucre
- 1 c. à soupe de sauce soja
- 2 c. à soupe de bouillon dashi (ou d’eau + un peu de poudre de bouillon)
- 1 pincée de sel
- Huile neutre pour la cuisson
Étapes
-
Préparer le mélange :
Dans un bol, battre doucement les œufs (ne pas les faire mousser). Ajouter le sucre, la sauce soja, le bouillon dashi et le sel. Mélanger uniformément. -
Chauffer la poêle :
Huiler légèrement une poêle antiadhésive (rectangulaire si possible). Verser une fine couche du mélange d’œufs, incliner la poêle pour bien répartir. -
Rouler l’omelette :
Quand l’omelette commence à prendre mais reste un peu humide en surface, la rouler doucement vers soi à l’aide de baguettes ou d’une spatule. -
Ajouter une nouvelle couche :
Huiler à nouveau la poêle si nécessaire. Verser une nouvelle fine couche d’œufs, soulever légèrement le rouleau précédent pour que la nouvelle couche passe dessous. Répéter jusqu’à épuisement du mélange. -
Former et couper :
Presser légèrement le rouleau à l’aide d’un tapis en bambou (optionnel). Laisser tiédir avant de couper en tranches.
💡 Astuce
Pour un Tamagoyaki bien lisse, filtre le mélange d’œufs à travers un tamis fin avant cuisson. Et n’hésite pas à adapter la quantité de sucre selon ton goût : certaines versions sont presque sucrées comme un dessert !
La version Okeya Kyujiro
Visuellement, on aurait cru une simple part de gâteau au yaourt — couleur jaune pâle, sans aucune fioriture. Et pourtant, cette modestie cachait une perfection de texture et de goût.
Le Tamagoyaki servi était cuit dans un bouillon de poisson, lui donnant une profondeur inattendue. En bouche, il était légèrement sucré, presque comme un dessert, mais sans lourdeur. Chaque bouchée fondait littéralement sur la langue.

Ce contraste entre apparente simplicité et richesse invisible est exactement ce qui rend l’art culinaire japonais si fascinant.
Plat 5 – Sushi
C’est quoi ?
Le sushi (寿司) est sans doute le plat japonais le plus connu dans le monde. Il s’agit d’un petit assemblage de riz vinaigré (shari) accompagné d’un ingrédient, souvent du poisson cru (neta), parfois de légumes, d’omelette ou même d’algues.

Il en existe plusieurs formes :
- Nigiri sushi : riz modelé à la main avec une tranche de poisson par-dessus.
- Maki sushi : rouleaux entourés d’algue nori.
- Oshi sushi : sushi pressé dans un moule rectangulaire.
- Gunkan : riz entouré d’algue avec une garniture crémeuse ou en petits morceaux.
- Chirashi : bol de riz recouvert de divers ingrédients.
L’art du sushi réside dans l’harmonie des textures et des goûts, mais aussi dans la découpe et la fraîcheur des produits.
Recette : Sushi nigiri de thon (maguro)
Ingrédients (pour 8 nigiri)
Pour le riz à sushi :
- 1 tasse de riz à sushi (ou riz rond japonais)
- 1,2 tasse d’eau
- 2 c. à soupe de vinaigre de riz
- 1 c. à soupe de sucre
- ½ c. à café de sel
Pour le sushi :
- 150 g de filet de thon très frais (qualité sashimi)
- Wasabi
- Sauce soja
- Gingembre mariné (optionnel)
Étapes
-
Préparer le riz :
Rincer le riz jusqu’à ce que l’eau soit claire. Cuire à couvert. Pendant ce temps, faire chauffer le vinaigre, le sucre et le sel jusqu’à dissolution. Verser sur le riz cuit encore chaud et mélanger délicatement. Laisser tiédir. -
Découper le poisson :
Trancher le filet de thon en fines lamelles de 5 à 6 cm de long et environ 3 cm de large. Garder au frais. -
Former les nigiri :
Humidifier les mains, prendre une petite boule de riz (env. 20 g), former un ovale. Déposer une pointe de wasabi sur une tranche de thon, poser le poisson sur le riz. Presser délicatement pour faire adhérer. -
Servir :
Accompagner de sauce soja et de gingembre mariné.
💡 Astuce
La clé d’un bon sushi, c’est la température : le riz doit être à température corporelle, et le poisson bien froid. N’utilise jamais de poisson d’épicerie classique — cherche une poissonnerie proposant du poisson qualité sashimi.
La version Okeya Kyujiro
C’est ici que notre expérience a atteint son apogée émotionnelle.
Chaque sushi était une œuvre éphémère, façonnée devant nous, servi un par un, comme un moment suspendu dans le temps. Nous avons savouré :
- un nigiri de ventre de thon (Otoro), fondant comme du beurre — inoubliable,
- une crevette sakura, au goût subtilement sucré,
- un macreau pressé (Oshi sushi) aux saveurs iodées et umami,
- un nigiri Vivano aux yeux dorés, noble et rare,
- un nigiri flétan décliné en 3 textures,
- un nigiri anguille d’eau salée, nappée d’une sauce caramélisée parfaitement dosée…
Le thon gras (Otoro), marbré comme un wagyu de la mer, a volé la vedette. Il fondait sur la langue, révélant ses arômes en trois temps : gras, iodé, puis légèrement sucré. Un pur moment de grâce culinaire.

🎌 Conclusion
Nous ne sommes pas sponsorisés par Okeya Kyujiro, et nous savons que cette expérience exceptionnelle n’est pas à la portée de tous. C’est justement pour cela que nous avons voulu la partager avec vous, à notre façon.
Humblement, nous savons que nous serons incapables de reproduire ce que nous avons goûté ce soir-là. Les maîtres sushi ont des années de pratique, une rigueur et un savoir-faire qui dépassent de loin nos essais du dimanche soir.
Mais cela ne nous empêche pas d’essayer, avec curiosité et plaisir. C’est ça aussi, l’ikigai : faire avec cœur, même de façon imparfaite.
Nous espérons que ces recettes et anecdotes vous donneront envie d’explorer l’art culinaire japonais, et de faire découvrir de nouvelles saveurs à vos proches.
Et surtout, si vous testez une recette, un ingrédient, ou même si vous avez une anecdote culinaire japonaise à partager… dites-le-nous en commentaire !
On a hâte de lire vos expériences.